Music News

Les albums de juin 2024 à ne pas manquer

Chaque mois, la rédaction de Qobuz repère pour vous les sorties à ne pas louper, dans tous les genres.

Jess Rotter June 24

CHANSON FRANÇAISE (Nicolas Magenham)

Avant de mourir brusquement en 2022, Dani avait laissé un album dans ses tiroirs, album qui voit enfin le jour en ce mois de juin. Au carrefour de la pop, du rock et de la chanson, Attention Départ est un disque posthume où l’on retrouve ce mélange si particulier de sauvagerie, de tendresse et de sensualité qui caractérisait l’interprète de Boomerang. Réalisé par Emilie Marsh, Edith Fambuena et Etienne Daho, Attention Départ inclut des duos avec Emmanuelle Seigner et Albane. En mars 2023, Maud Lübeck était invitée du festival Les Émancipées à Vannes, durant lequel se déroulèrent les Ravissements : quatre rencontres animées par la journaliste Claire Chazal avec les artistes Sandra NKaké, Brigitte Giraud, Imany et Fabcaro (qui signe la pochette). Ces interviews étaient entrecoupées de reprises des chansons qui ont marqué leurs vies, que Maud Lübeck revisitait seule sur scène, en piano-voix. Le présent album est une version studio de ce moment intime où l’on croise des chansons de Desireless, Anne Sylvestre et Philippe Katerine.

Rachel Leblanc (alias Vanille) s’associe à Julien Comptour et Philippe Noël (du groupe Corail) le temps d’un EP intitulé Tu me vois comme je suis. Si l’univers de Vanille est plutôt folk/pop, celui de Corail flirte avec le psychédélisme. Ces deux tendances se retrouvent dans ce disque d’une douceur infinie. Toujours en juin, Abel Chéret publie Antiportraits, un EP qui parle en seulement cinq chansons de thèmes aussi variés que l’exclusion, la solitude, l’addiction ou encore la rupture amoureuse. Minimaliste et émouvant. Enfin, le groupe Sages comme des sauvages sort un troisième album intitulé Maison Maquis. Ces bêtes de scène se sont entourées pour l’occasion du producteur Nico Dakou (membre du groupe Tshegue), de l’artiste algérien Sofiane Saïdi, et du collectif de folk occitan San Salvador.

CLASSIQUE (Pierre Lamy)

En juin, la voix se décline sous toutes ses coutures avec un kaléidoscope de propositions aussi diverses que fascinantes. Commençons par Héloïse Werner – souvenez-vous, on vous en avait parlé il y a quelques mois ! – qui nous revient chez Delphian records avec Close-Ups. La soprano et compositrice balaye plus de trois siècles de musique, de Barbara Strozzi jusqu’à ses propres compositions, et explore le chant dans ses aspects les plus radicaux (théâtre, bruitisme, personnages hauts en couleur). Le tout magnifié par une technique impeccable. Plus classique, la mezzo-soprano suisse Marina Viotti, sacrée artiste lyrique de l’année aux Victoires 2023, propose un florilège des plus grandes pages vocales de Mozart (Les Noces de Figaro, La Clemenza de Tito…), entourée de l’ensemble genevois Gli Angeli et de Stephan Macleod. Un album paru le 7 juin chez Aparté. Enfin, le mythique ensemble vocal britannique The Sixteen fête les 70 ans de son fondateur et actuel chef Harry Christophers avec une sélection de ses meilleures réalisations sur les 40 dernières années. L’album 70 : A Life in Music est disponible depuis le 7 juin chez Coro. Côté symphonique, on ne manquera pas les Turkish Flavours d’Howard Griffiths à la tête du Deutsches Symphonie-Orchester, proposant à l’écoute des raretés du répertoire turc du siècle dernier. Le label Naxos apporte quant à lui une nouvelle pièce à sa collection American Classics, avec une monographie consacrée à la compositrice actuelle Margaret Brouwer. Au pupitre, la cheffe Marin Alsop dirige avec brio l’ORF Vienna Radio Symphony Orchestra dont elle est depuis cette année la nouvelle directrice musicale. Les pianophiles pourront se délecter de deux très belles sorties, parues respectivement chez Signum et Pentatone. Dans la première, on retrouve Emmanuel Despax dans un répertoire 100% Liszt, quand la seconde, Debussy : Images nous présente une Saskia Giorgini au sommet de son art. La pianiste italo-néerlandaise illumine les œuvres du maître impressionniste avec grâce et pudeur. Cap enfin au nord avec le chef Klaus Mäkelä et la violoniste Janine Jansen qui signent avec le Philharmonique d’Oslo un magnifique opus consacré à Sibelius et Prokofiev.

BLUES/COUNTRY/FOLK (Stéphane Deschamps)

Honneur aux anciens, et même aux morts. L’évènement du mois dans le monde de la country (et au-delà), c’est un nouvel album de Johnny Cash, Songwriter, constitué d’enregistrements inédits du début des années 90, exhumés des archives personnelles du chanteur et réorchestrés aujourd’hui par des musiciens fidèles. Le cow-boy bluesy et francophile Calvin Russell, mort lui aussi, a droit à un album tribute, sous la houlette de son ami français Manu Lanvin. Dans le monde du blues et des musiques folk afro-américaines, l’évènement du mois est un cadeau du vénérable label Folkways : Friends Of Old Time Music, un concert intégral inédit des Georgia Sea Island Singers, avec en guest Fred Mc Dowell. Eux sont bien vivants, et totalisent 147 ans à eux deux : les légendes alternative-country Dave Alvin et Jimmie Dale Gilmore se retrouvent sur Texicali, un grand moment de musique western avec guitares du canyon et chants de coyotes. A 73 ans, Seasick Steve confirme avec A Trip A Stumble A Fall Down On Your Knees qu’il reste une valeur sûre (et mûre) du blues cool et dansant. Dans un genre pas très éloigné, le blues-rock avec plus de rock que de blues, ces bons vieux Left Lane Cruiser en ont encore sous la semelle avec Bayport BBQ Blues, un album qui animera vos barbecues estivaux tout en faisant râler vos voisins. Et pour la digestion, la sieste et la réconciliation avec les voisins, rien ne vaut le nouvel album du duo de guitaristes Hermanos Gutiérrez, Sonido Cósmico, nouveau trip dans les ambiances musicales du Sud-Ouest américain.

JAZZ (Stéphane Ollivier)

Grosse actualité du côté de la jeune scène (post-)jazz britannique ce mois-ci avec la parution de trois albums aux esthétiques très différentes mettant une nouvelle fois en lumière la créativité sans frontière de la nouvelle vague venue d’outre-manche. On débute avec Sample the Earth, le nouvel album de la chanteuse, saxophoniste et songwriter Laura Misch déclinant dans la continuité de son premier opus paru l’an dernier Sample the Sky un même univers sonore immersif à la fois intimiste, élégiaque et mélancolique aux confins de l’ambient et de la pop alternative. On se tourne ensuite du côté du batteur Tom Skinner qui, avec Voices of Bishara Live at « mu », signe un premier album sous son nom passionnant dans sa façon de réenvisager le free-jazz. On finit ce petit panorama avec la chanteuse Zara McFarlane qui, avec Sweet Whispers: Celebrating Sarah Vaughan, sort de ses territoires idiomatiques habituels pour rendre, « dans la tradition », un flamboyant hommage à la légendaire chanteuse de jazz.

Sur un ton à la fois plus confidentiel et épuré, la chanteuse et songwriter Madeleine Peyroux fait pour ses 50 ans son grand retour au disque avec Let’s Walk, œuvre très personnelle empruntant avec tact à tous les registres de l’americana. Le pianiste sud-africain Nduduzo Makhathini continue de son côté de s’afficher comme l’une des grandes révélations de la scène jazz internationale en publiant à la tête de son trio son troisième disque pour la firme Blue Note. Pour sa part, le tromboniste suédois Nils Landgren célèbrera les 30 ans de son Funk Unit avec un nouveau disque Raw, mélangeant comme à son habitude jazz, soul et funk en une explosion de groove. Le label munichois ECM n’est pas en reste avec un fantastique disque live posthume du trompettiste polonais Tomasz Stanko à la tête de son Quartet (September Night) ainsi qu’un nouvel album de l’Israélien Oded Tzur, dans lequel le saxophoniste approfondit toujours plus l’aspect méditatif de son jeu d’une extrême concentration (My Prophet). Last but not least, l’inclassable saxophoniste et compositeur français Christophe Monniot, à la tête d’un septet cosmopolite composé d’improvisateurs de haut vol, offre avec Six Migrant Pieces le disque peut-être le plus ambitieux, personnel et accompli de sa riche carrière.

ROCK/METAL (Chief Brody)

Les beaux jours semblent donner envie aux anciens d’agir comme s’ils étaient encore en plein dans leurs vertes années. Bon Jovi revient avec un Forever qui se veut fun et rock, 40 ans après la sortie de son premier album. Un parfum de refrains pour stade flotte à nouveau dans l’air. En parlant d’anciens, comment ne pas évoquer l’incroyable Glenn Hughes, bassiste-chanteur de Black Country Communion, dont le nouvel album, V, se veut encore plus solide et puissant grâce au jeu flamboyant de Joe Bonamassa qu’on trouve tellement plus passionnant à écouter dans ce registre. L’été a beau se présenter à nos portes, Alcest reste ce combo mélancolique à la beauté déchirante qui donne envie de se glisser sous un plaid même en pleine canicule. Les Chants de l’Aurore arrive pour confirmer qu’il est bien un maître en matière de blackgaze. « Soyons écolos, recyclons » ont dû se dire les frères Cavalera il y a un petit moment. Après avoir réenregistré deux vieux Sepultura qui ne demandaient qu’à se prendre un coup de jeune avec un meilleur son, Max et Igor en remettent une couche avec une version mise à jour de Schizophrenia, lui aussi revisité (traduisez par réenregistré) 34 ans après sa sortie. Soleil de plomb et ambiance désertique obligent, en vue de préparer des jours plus arides, Fu Manchu, pionnier légendaire du stoner rock, dégaine The Return of Tomorrow avec ce son fuzzy si caractéristique et cette énergie punk jamais émoussée alors que le combo s’approche doucement mais sûrement des 40 ans d’existence. Respect.

MUSIQUES ÉLECTRONIQUES (Smaël Bouaici)

Plein de grosses sorties du côté de la musique électronique en ce mois de juin. Tout a commencé avec la star sud-coréenne Peggy Gou, qui a sorti le 7 son premier album studio hommage aux années 90, I Hear You, tracté par son tube naïf de 2023 (It Goes Like) Nanana. Ensuite, le producteur canadien Kaytranada a livré Timeless, qui réussit l’exploit de faire mieux que l’acclamé Bubba, qui lui avait valu un Grammy en 2019, avec encore plus de ce groove rétrofuturiste qu’il a copyrighté. Dans le même temps, le producteur anglais Darren Cunningham alias Actress sortait Statik, un album marécage tout en méandres électroniques, tandis que Charli XCX faisait son tribute aux raves sur son nouvel album BRAT. Et puis mi-juin, James Blake surprenait tout le monde avec l’EP CMYK 002 – Let Her Know, qui n’est pas la suite du disque qui l’a révélé en 2010 CMYK, précise-t-il, mais qui fait bien tripper aussi. Autre figure de la musique électronique britannique, µ-ziq sort son nouvel album Grush sur son label Planet Mu, encore un disque à écouter au casque les yeux fermés pour décoller. Et pour les amateurs de house mentale et afro, le pionnier Osunlade revient avec son album Inner Garden, sur son label Yoruba Records. On conclut avec Fluids in Motion, le maxi hypnotique de la productrice franco-tunisienne Azu Tiwaline avec le Londonien Forest Drive West sur l’aventureux label anglais Livity Sound.

ROCK & ALTERNATIF (Charlotte Saintoin)

Si Françoise Hardy avait regardé les astres, elle aurait peut-être dit que juin serait triste comme la pluie. Elle nous manque, le soleil aussi. Et lui manque à ces disques brumeux qui se sont trompés de saison. L’excellent Below The Waste, le troisième disque de Goat Girl produit par John « Spud » Murphy (Black Midi), s’éloigne de la pop plus câline des débuts pour se parer d’une indie anguleuse plus insaisissable. Non loin de là, notre cœur vacille face à la beauté sidérante de How Will I Live Without a Body? du (trop) rare trio texan Loma. Un disque mâtiné de folk orageux, organique et minimal, enveloppé dans la voix douce d’Emily Cross. Si vous préférez les espaces pleins, l’inclassable Caroline Shaw chante parmi mille percussions. Dans Rectangles and Circumstance, elle emmène le fidèle ensemble Sō Percussion dans des champs peu explorés. Pour (re)vivre des années (in)connues, One Hand Clapping, album live jamais sorti, capture les Wings en pleine session à Abbey Road en 1974, après le carton plein du culte Band on the Run. On y entend Paul McCartney trépigner entre succès récents et reprises cultes, aux côtés de sa femme Linda et du regretté Denny Laine. On oubliera pas l’avant-gardiste POPtical Illusion du génial John Cale, dont les boîtes à rythme étourdissent autant qu’une œuvre de Yayoi Kusama ou la sublime bande-originale d’Evil Does Not Exit de Ryûsuke Hamaguchi, une fresque pastorale composée par Eiko Ishibashi qui fait suite à leur première collaboration pour Drive My Car.

REGGAE (Smaël Bouaici)

Côté reggae, on démarre en rattrapant l’album paru en mai The Ghost of Ladders du groupe américain The Loving Paupers, qui permet de constater que les chanson roots/lovers rock de leur excellent album Ladders de l’an passé marchent aussi bien en version dub. Les amateurs de reggae à l’ancienne profiteront de la réédition du plus soulful des chanteurs jamaïcains Carl Dawkins par le label parisien Patate Records, Mr Satisfaction, Vol.1, avec des versions remastérisées qui font du bien à des titres qui soufflaient parfois dans les enceintes. D’ailleurs, on entend bien la différence avec la réédition chez Trojan de Seven Letters de la vedette des 60′s jamaïcaines Derrick Morgan, qui est de la génération ska, juste avant celle de Carl Dawkins. Côté nouveautés, on aime beaucoup Shelter from the Storm, l’album de Nadia McAnuff, la fille du légendaire Winston McAnuff, avec le groupe français The Ligerians. Autre backing band français, mais du Mans cette fois, les Irie Ites sortent un super album avec la légende jamaïcaine Linval Thompson, Ganja Man, qui ambiancera parfaitement votre barbecue du 14 juilllet.

RAP (Brice Miclet)

En entrée, il y a eu l’EP Jour avant Caviar en 2020. Voici désormais le plat de résistance, Caviar I, premier album de la rappeuse et chanteuse martiniquaise Meryl, preuve d’une ascension lente mais pérenne, tranquille, qui sillonne entre le rap et les sonorités antillaises modernes. Hâte de goûter le dessert. Sous un autre soleil radieux, les boss du rap marseillais (et peut-être bien français) Jul et SCH commettent chacun un album. Le premier, Mise à Jour , fidèle à l’esprit du J, et le second JVLIVS Prequel : Giulio superbe troisième volet de la saga JVLIVS du S, qui revient donc aux origines du personnage mais également du rappeur, puisque le flow, la diction, l’agressivité, rappellent clairement ses premières lignes discographiques. Côté sombre, Th sort une nouvelle mixtape intitulée E-Trap, bel étalage de ses nombreuses compétences musicales, mélancolique et virulente, lourde de sens et de sons. A ne pas manquer.

De l’autre côté de l’Atlantique, c’est Lupe Fiasco qui fait entrer le rap américain dans l’été avec l’EP Samurai, brillant, peuplé de doux samples de jazz et de cette voix reconnaissable entre mille, d’une grande densité et souhaitant cette fois véhiculer espoir et optimisme. Les amateurs de transmission musicale apprécieront certainement. Ski Mask The Slum God, quant à lui, fait son retour avec l’album 11th Dimension. Le grand ami et collaborateur du défunt XXXTentacion y déploie les réminiscences du rap SoundCloud, cette tristesse inconsolable qu’il transforme en force de frappe, prenant enfin la stature artistique qui lui convient.

SOUL/R&B (Brice Miclet)

La soul a traversé bien des mers et des frontières pour se répandre et se transformer. L’un des résultats récents les plus enthousiasmants de ces longues mutations pourrait bien être le chanteur Aladean Kheroufi, multi-instrumentiste canadien dont le nouvel album, Studies in a Dying Love est un petit bijou calé quelque part entre les désirs crooners et les sonorités arabes, algériennes notamment. Ce mois-ci, son album côtoie des projets plus classiques mais notables, notamment dans le R&B contemporain, avec le mastodonte du genre Lucky Daye, dont l’album Algorithm est une belle suite à son carton de 2022, Candytrip. Du chant de lover à la sauce 2000, sensiblement dans la même veine que le très bon album de Jabu Gaeybeal, Backroads ou de They Ordinary, Old Memories. Et puisque ce sont les artistes masculins qui semblent tirer leur épingle du jeu en ce mois de juin, soulignons également l’excellent album de Kylen, Proceed With Caution, bien plus noir et habité que ses comparses.

Peggy Gou, John Cale, Kaytranada, Eiko Ishibashi et Caroline Shaw, illustration originale de Jess Rotter pour Qobuz