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Album de la semaine : Pat Metheny - « MoonDial »

Le musicien américain revient en solo avec une nouvelle guitare spécialement conçue par la fameuse luthière Linda Manzer.

Alors que le label ECM annonce la sortie début août d’une somptueuse réédition vinyle fac-similé de son tout premier album en leader, Bright Size Life, enregistré en 1975 avec Jaco Pastorius à la basse électrique et Bob Moses à la batterie, le guitariste Pat Metheny célèbre ses 70 ans dans une veine beaucoup plus minimaliste, introspective et contemplative avec MoonDial, un nouvel album en solo absolu où se cristallise comme par magie la quintessence de sa poétique.

En 50 ans d’une carrière aussi éblouissante qu’exigeante, Pat Metheny s’est imposé comme l’un des principaux rénovateurs de la guitare jazz de l’ère moderne en multipliant les collaborations prestigieuses (Gary Burton, Michael Brecker, Joni Mitchell, Sonny Rollins, Charlie Haden, Brad Mehldau…). En parallèle, il a construit un univers musical d’une grande originalité à travers une multitude de formules orchestrales couvrant un large spectre de registres stylistiques (du jazz « fusion » mélodique et lyrique des diverses avatars du Pat Metheny Group aux expérimentations avant-gardistes du radical Song X actant ses accointances esthétiques avec l’harmolodie du génial Ornette Coleman), c’est peut-être sa série de disques en solo, inaugurée en 1979 avec New Chautauqua, qui, tel un fil rouge dans cette trame luxuriante, donne à l’ensemble sa direction et sa cohérence secrète.

Paru il y a tout juste un an, Dream Box venait déjà renouer avec ce geste intimiste en proposant une compilation d’enregistrements domestiques, effectués seul sur la route en marge de ses tournées et retrouvés dans les tréfonds d’un disque dur. Metheny, utilisant les techniques du re-recording, explorait à partir d’une grille harmonique préalablement enregistrée toutes les dimensions mélodiques de compositions pour la plupart sorties de sa plume.

Enregistré en studio de manière plus traditionnelle et sans recours aux overdubs, MoonDial se rattache plutôt à la lignée qui, via What’s It All About (Nonesuch, 2011), remonte jusqu’à One Quiet Night (Warner Bros., 2003) en proposant à la guitare acoustique baryton une suite d’interprétations inspirées de thèmes déclinant toutes les nuances d’une même tonalité à la fois élégiaque, lyrique et contemplative. On y retrouvait pour moitié des compositions originales écrites sur la route en 2023, et des reprises choisies pour leur richesse harmonique allant de You’re Everything de Chick Corea, à Here, There and Everywhere de Lennon et McCartney en passant par Everything Happens to Me et Angel Eyes de Matt Dennis ou encore Somewhere de Leonard Bernstein.

Expérimentant pour l’occasion un tout nouvel instrument confectionné sur mesure par sa collaboratrice de longue date Linda Manzer (l’une des plus célèbres et talentueuses luthières mondiales) ainsi qu’un système d’accordage inédit permis par la découverte d’un nouveau type de cordes en nylon fabriquées en Argentine, Pat Metheny, dans un registre plus bas que celui offert habituellement par une guitare conventionnelle, explore la dimension proprement vocale de son jeu, jouant avec une grande poésie sur le contraste entre les couleurs brumeuses et cotonneuses de sa sonorité et la clarté légendaire de son style délié et admirablement architecturé.

Attentif à ne jamais perdre de vue l’aspect mélodique des chansons qu’il aborde, mais considérant ce répertoire, très cohérent dans ses humeurs mélancoliques et ses tonalités volontiers crépusculaires, comme un Tout aux mille nuances, Pat Metheny fait de cet album une sorte de journal intime profondément lyrique, à la fois apaisé et subtilement désenchanté.