C’est grâce à ce disque que Stevie Nicks et Lindsey Buckingham ont été découverts par Mick Fleetwood ! A sa sortie en 1973, Buckingham Nicks est certes un échec commercial cuisant, mais il ouvre à ses auteurs l’inespéré : les portes de Fleetwood Mac. Car c’est en entendant les envolées folk de Frozen Love, passé par Keith Olsen sur les enceintes du studio Sound City, là où Stevie Nicks et Lindsey Buckingham enregistrent quelques mois plus tôt, que Mick Fleetwood en tombe amoureux et contacte illico Buckingham. Son groupe, fraîchement débarqué d’Angleterre en Californie, traverse une mauvaise passe et cherche un second souffle. La suite, on l’a connaît. Avec Stevie Nicks et Lindsey Buckingham à son bord, Fleetwood Mac trouve sa formule gagnante et enchaîne les records. Sous-estimé car méconnu, Buckingham Nicks prend grâce à l’émulation Andrew Bird et Madison Cunningham, une nouvelle lumière.
« Il est difficile d’écouter ce disque sans l’imaginer comme le préquel de la légende de Fleetwood Mac », estime Andrew Bird. « Il n’est pas accessible non plus. Il est épuisé en physique et n’est disponible sur aucun service de streaming. Pour autant, c’est cette ambition juvénile et cette indulgence qui le rendent le plus fascinant. Pour moi, la meilleure raison de reprendre un autre artiste, c’est lorsque l’on pense pouvoir faire mieux que lui. Comme cet album incarne l’excès et la confiance, il semblait logique d’incarner cet esprit nous-mêmes. Cette envie conquérante de s’attaquer à un joyau emblématique et sous-estimé. »
Si l’énergie presque désespérée de Nicks et Buckingham transpire du disque, c’est qu’ils l’ont enregistré après des années de galère. Après la dissolution de Fritz, ce groupe bien psyché dont ils ont fait partie et qui a tout de même ouvert pour Jefferson Airplane ou Janis Joplin, le tandem déménage de San Francisco à Los Angeles, en quête de succès à leur nom. Dans l’aventure, ils embarquent leur énorme quatre bandes Ampex, histoire d’enregistrer leurs démos entre les cours à l’université et les innombrables petits boulots. Les mois passent, Nicks est au bord de craquer, jusqu’à ce que Polydor les signe. A l’été 73, ils s’enferment dans le grand studio Sound City avec une poignée de musiciens et l’ingé-son Keith Olsen, chez qui Nicks fait même des ménages. Crying In The Night, leur déchirant morceau d’ouverture, sera le premier enregistré sur la console Neve flambant neuve qu’Olsen vient d’acheter.
Impossible de ne pas entendre Fleetwood Mac dans ce disque séminal, où la voix éraillée de Nicks irradie, où les enlacements de guitare folk de Buckingham et les crescendos font des merveilles. Fleetwood Mac, premier disque du groupe sous leur nouvelle forme, en reprend même la ballade Crystal. L’approche de Cunningham Bird est très différente. La signature d’Andrew Bird, avec ces arrangements au violon – son instrument fétiche – et ces cordes inquiétantes, est à l’opposé de l’original. “Ne le connaissant pas, mais enthousiasmé par sa rareté, on a décidé de le reprendre de fond en comble, à notre manière,” justifie Cunningham. L’espace sonore est dépouillé, la guitare électrique remisée au profit de légères percussions, des synthés et d’un Wurlitzer. Enregistré en numérique, le disque sonne aussi plus froid, plus propre que l’original et sa chaleur analogique. Le chant clair et agile de Madison Cunningham tranche avec celui, plus possédé et spontané, de Nicks. La pochette est, elle aussi, plus réfléchie que l’originale, où la décontraction de Nicks et Buckingham, posant torse nu façon hippies, n’est que de façade. Nicks, pressée par un Buckingham invoquant l’art pour justifier le photographe, est en réalité en pleurs.
Bird et Cunningham sonnent aussi plus « pro » et se connaissent par cœur après des années de collaborations régulières. Madison Cunningham, qui avait décroché le Grammy du meilleur album folk pour Revealer (2022), a travaillé avec Bird sur My Finest Work Yet (2019), Inside Problems (2022) et même Hark!, son EP de Noël sorti en 2023.
Un album de reprises très original qui offre une bonne raison d’enfin rééditer le mythique Buckingham Nicks. Car si Polydor a fait, à l’époque, l’erreur de retirer le duo de son catalogue, la balle est dans le camp de Lindsey Buckingham et Stevie Nicks, détenteurs des droits.