Panoramas

Nick Drake, l’ange folk

En trois albums, Nick Drake a révolutionné le folk, qu’il a embarqué sur le sentier d’un onirisme inédit. Mort en novembre 1974, il y a juste 50 ans, à l’âge de 26 ans, le chanteur anglais n’aura jamais pu constater l’influence de son héritage...

Trois albums et vingt-six années passées sur terre ont suffi à Nick Drake pour chambouler la face du mouvement folk. Le genre, de prime abord aride, a été comme vivifié par cette voix douce et habitée d’enfant perdu et par ses magnifiques arrangements. Mais ces éloges, Nick Drake ne les a jamais entendus de son vivant. Les critiques de l’époque sont restées insensibles à ses trois uniques albums studio. Une incompréhension qui a résonné avec sa personnalité dépressive et sa communication presque autiste…

Paru en septembre 1969 sur le label Island, le premier album de Nick Drake, Five Leaves Left, embarquait pourtant le folk britannique vers des cieux de poésie et de mélancolie rarement atteints. Des piliers de la scène folk sont aussi aux côtés du jeune songwriter pour le soutenir dans cet enregistrement (Richard Thompson de Fairport Convention et Danny Thompson de Pentangle notamment) porté par des cordes sublimes orchestrées par Robert Kirby. Est-ce encore du folk ? Du folk chambriste peut-être ? Qu’importe : avec cet alliage onirique, Nick Drake impose son style mais pas encore son nom : les critiques d’alors, sans être négatives, ne trouvent cette première copie qu’intéressante et sympathique.

Un an plus tard, pour Bryter Layter, Richard Thompson et Robert Kirby sont toujours de la partie et Nick Drake accueille d’autres prestigieux invités comme, aux chœurs, les grandes P.P. Arnold et Doris Troy, ou, plus inattendu, l’ex-Velvet Underground John Cale. La plume du jeune songwriter comme son sens de la mélodie sont toujours aussi bluffants. L’échec commercial de ce deuxième album pousse le jeune guitariste, grand consommateur de drogues en tous genres, vers un isolement encore plus appuyé. Island Records n’envisage guère de poursuivre la collaboration avec lui, et pourtant, Drake enregistre, seul à la guitare, avec juste son ingénieur du son, un très court disque d’à peine une demi-heure.

Paru en février 1972, Pink Moon est un sommet de dépouillement et de beauté qui demeure l’album le plus influent de la scène folk britannique des 70′s. Un album justement assez éloigné des canons du genre. Seul avec sa guitare acoustique et quelques notes de piano, Nick Drake érige un temple minimaliste adossé à de démentielles harmonies. Sa voix d’ange tire cette mélancolie intérieure toujours solaire vers un ailleurs émouvant. Exit les cordes et autres enluminures de ses deux précédents disques comme les références aux Tim Buckley et autre Bert Jansch. L’épure est totale. Même si certains journalistes saluent cette œuvre ovni, le public ne suit pas, une fois de plus.

Abattu, Nick Drake est de plus en plus asocial et communique peu ou pas avec ses proches. Il s’enfonce dans la dépression et fait quelques séjours à l’hôpital. Pink Moon fera office de testament puisque le songwriter vide un tube de Tryptizol, un puissant antidépresseur, dans la nuit du 24 au 25 novembre 1974, disparaissant à seulement 26 ans. On ne saura jamais si la surdose était volontaire ou accidentelle… Durant les années 80, plusieurs artistes influents comme Robert Smith des Cure, Peter Buck de R.E.M. ou encore David Sylvian ont cité l’oublié Nick Drake comme une influence majeure. Ses trois albums sont alors réédités et le culte Nick Drake peut démarrer.