La métamorphose de Thomas de Pourquery peut paraître étonnante mais elle a toujours été latente. Au milieu de la quantité de formations jazz dans lesquelles il a officié, de l’Andy Emler’s MegaOctet au Collectif de Falaises en passant par le sextet Supersonic avec qui il a remporté en 2014 la Victoire de la musique du meilleur album jazz, l’ancien élève de Stefano Di Battista a multiplié les projets et collaborations hybrides. Qu’il s’agisse du duo pop VKNG qu’il a formé avec Maxime Delpierre, de la fanfare free-jazz punk Rigolus dans laquelle il entre dès 2014 ou du groupe qu’il lui survivra, The Endless Summer, Thomas de Pourquery explore, repousse les limites, va à rebours, à l’image de celui qu’il admire par-dessus tout, Sun Ra, génie cosmique du free-jazz.
Sa première tentative solo, sous le drolatique alias « Van Pourquery », a été avortée par la pandémie. De cet EP mort-né, deux singles voient le jour, Starlight et All the Love, dans lesquels fleurissent son amour pour la pop et les clips complètement décalés. Alors, pour son premier disque sous son nom, Thomas de Pourquery y va franchement. Il s’entoure de fidèles jazzmans mais aussi de musiciens venus d’ailleurs : Etienne Jaumet (Zombie Zombie) au saxophone et aux synthés modulaires, Akemi Fujimori aux claviers et aux chœurs et Yodelice à la production.
Il écrit, souffle et chante en véritable crooner des miniatures pop aux éclats électroniques en forme de montagnes russes sentimentales, où l’on passe de la joie à la mélancolie, du soleil à l’obscurité. Cet album, signé sur le label Animal63, friand de pop française émergente et audacieuse, est aussi son projet le plus intime. Hommage à son père, parti après une longue maladie neurodégénérative – raison pour laquelle il a lancé en 2012 le festival de musique Brain destiné à soutenir la recherche –, Let the Monster Fall raconte la mort lente et inéluctable, l’impuissance comme l’élan de vie, plus fort que tout, qui le pousse à exister intensément, et à chérir chaque jour qui passe.