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Qobuzissime : Sylvie Kreusch - « Comic Trip »

L’artiste flamande livre un second disque à l’énergie pop trippante, que l’équipe distingue d’un Qobuzissime.

Sylvie Kreusch 2024 © Eloïse Labarde-Lafon

C’est en 2018 que Sylvie Kreusch a pris la lumière grâce au projet Warhaus, fondé par son compagnon, le musicien Maarten Devoldere. Quelque part entre Leonard Cohen et le duo glamour et décadent Jane Birkin/Serge Gainsbourg, l’album We Fucked a Flame Into Being était une ode à l’amour, « à ses excès et sa fugacité ». La même année, Sylvie Kreusch faisait une apparition remarquée à la Fashion Week avec une video très lynchienne qui fera le tour du monde (Seedy Tricks, réalisée pour la collection Azzaro Couture). Que ce soit chez Warhaus ou lors d’un défilé de mode, la jeune chanteuse d’origine belge dévoile petit à petit son obsession pour la théâtralité et le rêve. Un peu à la manière de son compatriote, le peintre surréaliste Paul Delvaux. En 2021, elle sort son premier disque solo, Montbray, dans lequel elle évoque la rupture amoureuse sous un angle dramatique et mystérieux.

Quatre ans après ce coup d’essai réussi, Sylvie Kreusch publie Comic Trip, un second album qui met une nouvelle fois en lumière le pouvoir hypnotisant de ses chansons, au sein d’un maelstrom d’influences. Dans Hocus Pocus, sur une mélodie à la John Barry, elle va jusqu’à citer en introduction une fameuse chanson de Screamin’ Jay Hawkins afin d’expliciter son projet : « Baby, I put a spell on you ». Dans une interview, Sylvie Kreusch a révélé que son vêtement préféré était le manteau de Maria Schneider dans Le Dernier Tango à Paris. Ses chansons fonctionnent un peu comme cette fourrure blanche rétro, aussi épaisse qu’une étole protectrice. Elles nous enveloppent d’une chaleur qui évoque le Gainsbourg pop des années 1960 (les onomatopées de Comic Trip) ou le Lou Reed de A Perfect Day (le piano de Sweet Love (Coconut)). B-52′s et Stereolab font aussi partie de son panthéon.

Sylvie Kreusch 2024 © Eloïse Labarde-Lafon

L’univers de Sylvie Kreusch plante un décor singulier dans lequel le rêve et la réalité se confondent. Même lorsque le tempo est rapide (comme dans Ding Dong et son clavier métronomique), Sylvie Kreusch navigue dans un univers onirique où il est question de rupture amoureuse (Final Hour) ou bien d’échappatoires face à une réalité morose. Dans la ballade folk Daddy’s Selling Wine in a Burning House, la voix trainante de la chanteuse est accompagnée de notes aiguës au piano et d’un chœur angélique qui font basculer le morceau vers un monde rempli d’étoiles. Sylvie Kreusch offre également un Interlude où une guitare électrique et un harmonica nous plongent dans un western mélancolique imaginaire. Dans Ride Away, l’atmosphère est tout aussi cinématographique, avec ce solo de piano jazz qui côtoie une guitare électrique surf rock. Le morceau se termine en fondu ultra réverbéré, où Sylvie Kreusch se projette en cow-girl galopant vers le crépuscule, sur les hautes plaines de ses rêves.