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Album de la semaine : Father John Misty - « Mahashmashana »

Sous son alias fétiche Father John Misty, Josh Tillman revient avec un sixième album finement orchestré et hautement spirituel. 

Father John Misty 2024 © Brent Goldman

Alter ego artistique sans concession, Father John Misty a permis l’avènement de la brillante œuvre pop de Josh Tillman, cérébrale et spirituelle, plurielle et mouvante à la fois. Ce fils d’évangélistes rigoristes, élevé exclusivement à la musique religieuse à Washington D.C., est resté dans l’ombre durant huit disques folk ennuyants sous son vrai nom (hormis peut-être Singing Ax produit par Steve Albini), puis en tenant la batterie des Fleet Foxes de 2008 à 2012 à Seattle. Il a fini par trouver la lumière en endossant la soutane de Father John Misty. Un personnage tout en parodie lui permettant tous les excès, dont l’idée lui est venue après une épiphanie sous champignons.

Avec Father John Misty, Tillman change et s’épanouit : il rejoint Sub Pop (Nirvana, Beach House, L7) et délaisse son guitare-voix souffreteux pour un look de gourou charismatique et la chaleur pop baroque de son ancien groupe. Pour son premier album Fear Fun (2012), il fait équipe avec le griot de Laurel Canyon Jonathan Wilson. Trois ans plus tard, il grossit le trait avec I Love You, Honeybear, dédié à son couple misanthrope, et son nihilisme atteint son paroxysme sur Pure Comedy, en 2017, où il tire à boulets rouges sur tout ce qui bouge, Donald Trump en tête.

Arrivé au bout de ses contradictions et sans doute las de ses propres absurdités (il a lancé son parfum pour femmes, n’arrête pas de troller ses interviews et ses réseaux sociaux), Father John Misty se recentre sur l’essentiel. Après un passage plus apaisé avec God’s Favorite Customer (2019), il entame 2022 avec le classieux Chloé and the Next 20th Century, où s’exprime un crooner façon Sinatra plus grave et à la plume adoucie, qui laisse enfin place à de grandes mélodies orchestrales dignes de Harry Nilsson ou Randy Newman.

Son nouvel album, Mahashmashana, parle de la mort et de l’après. En sanskrit, le mot désigne un lieu de crémation hindou. Dedans, FJM évoque des mondes silencieux où l’homme n’existe plus, un Hollywood en perdition (Screamland), interroge son identité comme l’impermanence de toutes choses. Ses réflexions spirituelles et introspectives suivent une pop à l’orchestration tantôt luxuriante (le morceau-titre en ouverture), tantôt sobre (le gainsbourien Josh Tillman and the Accidental Dose) ou classieuse (Summer’s Gone), et des textures plus inattendues, comme sur Screamland, où sa voix est mixée en arrière, ou She Cleans Up, qui recycle la mélodie de Punk Rock Loser des Viagra Boys. Un disque résolument réussi qui témoigne de la nouvelle dimension atteinte par Father John Misty