Au début des années 2000, l’esthétique de la techno, née dans la ville de Detroit à la fin des années 80 via les Juan Atkins, Kevin Saunderson, Derrick May et consorts, s’est répandue dans les grandes villes européennes, Berlin avec le label Basic Channel, Gand et Londres avec R&S Records, ou Paris avec F Com, le label monté par Laurent Garnier, qui fut le premier à inviter les grandes figures du genre en France dans son antre du Rex Club.
La techno, mais aussi la house et la drum’n’bass, a résonné jusqu’à Tokyo, avec notamment Deka Traxxx, le label mené par la légende locale Shin Nishimura. C’est lui qui donnera sa chance à Chizawa Q pour ses premières productions, remarquées par F Com, pour qui il produit un titre, et par R&S Records, qui avait signé son compatriote le pionnier Ken Ishii dès 1994.
Il sort Lost Asia en 2006 sur le label au cheval noir, un EP de quatre titres qui ne cache pas ses références à la techno de Detroit, une signature sonore à la fois martiale et soulful créée par Underground Resistance, Jeff Mills, Carl Craig ou Kenny Larkin. Et puis Chizawa Q disparaît du monde de la techno, œuvrant sur d’autres projets, collectifs ou en coulisses, avant que R&S ne lui offre l’occasion d’un reboot en 2022, via l’EP Lost Asia, avec un remix du morceau-titre d’origine. On y trouve aussi Panther, qui fait immédiatement penser au titre Jaguar de DJ Rolando d’Underground Résistance.
C’est tout cet esprit techno 90′s, ce son industriel et futuriste, à la fois motorique et soulful, qui infuse ce Xenoverse, premier album solo sous son nom de Chizawa Q. Un disque qu’il décrit comme « la bande-son d’un univers pas encore né, une BO d’un film de science-fiction qui remue les souvenirs d’un monde que nous n’avons jamais connu », une description que n’aurait sans doute pas reniée le Wizard de la techno Jeff Mills. Il adouberait probablement aussi des titres comme Planet 9 ou ce God Is Blue tout en rétrofuturisme, sans oublier l’incandescent Beluga, un grand titre de techno façon années 90, avec une énergie à la Joey Beltram à laquelle Chizawa Q ajoute des séquences de pianos jazz qui prennent des airs dystopiques, un des grands thèmes de la techno de Detroit.
Le Japonais montre au passage son talent de sound designer, avec un couple kick/bass bien huilé qui vous emporte tout de suite dans le morceau. Ça marche particulièrement bien sur le tribal Psychedelia avec ce piano qui prend parfois un swing à la Ray Manzarek. Sur la fin de l’album, le producteur montre qu’il est aussi à l’aise dans le breakbeat, avec Black Nebula ou le remix de Cozmic Flowers par la figure de la drum’n’bass tokyoïte Makoto Shimizu. Un album réussi de bout en bout qui devrait lancer pour de bon la carrière de Chizawa Q dans la musique électronique !